Aristote, « Les Economiques », Livre 1. Paris, Vrin.
ANALYSE DES 6 CHAPITRES
Résumé des 6 chapitres du Livre I
I.1. Pour Aristote l'art de Economique a pour fin le bonheur — « le souverain bien » — au sein de la société domestique, tandis que l’art de la Politique vise à l’établir en tant que « bien commun » à l’échelle de la cité tout entière. Ce qui dans les deux cas implique la recherche des « vertus » ou conditions de la vie heureuse en communauté.
Il répond principalement à 3 questions, dont les 3 premiers §§§ constituent les réponses.
Question 1 (§1). Quel est le rapport entre l'Economique et la Politique ?
La question a pour origine La Politique, Aristote ayant conçu le projet des Economiques en réponse à des questions soulevées dans son œuvre politique majeure. Ces questions portent sur la nature des relations ou des échanges au sein de la société domestique.
Un premier enjeu est de savoir s’il y a rupture ou continuité entre les deux formes essentielles de la vie en communauté : 1. la société naturelle que constitue la famille, 2. la société de droit que constitue l’Etat). Un deuxième est de savoir comment chacune d’elle répond le mieux au souci de soi et à la formation du sujet, c’est-à-dire de « l’animal politique » qui, selon Aristote, définit l’homme libre.
que Hegel nomme "société naturelle" dans la Propédeutique, il faut ajouter ici la propriété, les biens que possède la famille et qui assurent son indépendance, et conditionnent ainsi le statut de l’homme libre, du « citoyen »),
- la politique a pour objet la société ou « la communauté » que constitue la cité (par comparaison encore avec notre monde contemporain : dans ce que Hegel appelle « la société de droit constituée par l'Etat », c’est la liberté de l’individu qui fonde le droit, et non plus la seule propriété).
b. ensuite il pose leur identité : l'une et l'autre sont des arts (teknè), et non des sciences (épistémè), parce qu’elles ont pour objet, non l’être, mais le devenir de l’homme, de la famille, de la cité [toutes choses étant également orientées vers le Bien].
- l'économie est « l'art de l’administration d’un seul » : le maître de maison régnant d’autorité suivant la tradition — et non la loi — sur un seul foyer, une seule « maisonnée ».
TABLEAU RECAPITULATIF — CHAPITRE I
Question 2 (§2). De quel type d’art relèvent-ils ?
Or que nous enseigne la vie politique comme la vie familiale ? Famille et cité sont-elles plutôt des choses qui sont ou qui deviennent ? En vertu de quoi ? Pourquoi ?
Nous pouvons alors nous concentrer sur la question du type d’art. Certains arts, en effet, impliquent une division des tâches. Exemple : en musique c’est bien le luthier qui fabrique le violon, mais c’est le virtuose inspiré qui en tire la musique véritable : celle qui, en offrant la perfection de la forme, transporte tous les hommes. L’art dont il est question ici a au contraire pour principe et de constituer la cité [ou de former la famille] et d’assurer son développement harmonieux. Mais ne peut-on pas légitimement comparer l’oeuvre du grand politique ou du grand chef de famille avec le grand musicien ? Ne sont-ils pas également de nature ou de force à « conduire où il leur plaît l’âme des hommes » (comme le suggère Platon dans son dialogue Ion) ?
Note sur la question du Droit. Aujourd’hui encore, c’est « la Constitution » qui fonde l’Etat comme tel : elle est « la loi de la loi » (« le droit étatique interne » pour Hegel ), tout comme « l’état civil » institue la famille comme telle, ainsi établie et reconnue par la loi, pour tous et devant tous. Mais réservons ce point au chapitre 2, portant sur la propriété.
Question 3 (§3).
Lequel de ces deux arts est « antérieur » (premier) ? Postérieure à la Politique selon la raison, l'Economique lui est antérieure par l'origine, c’est-à-dire selon la nature (Cf. Note [6] ou Ethique à Nicomaque, I). Selon l'expression profonde d'Aristote, ce qui est premier dans l'ordre de la genèse est [et ne peut que rester] dernier dans l'ordre de l'analyse : puisqu’il nous faut bien remonter de ce qui est (se présente à nous) à ce qui en est la cause ou la raison d’être ainsi.
concept |
Politique |
Economie |
Cause matérielle (objet) |
Cité (= ensemble de n familles) |
Société domestique (= 1 famille) |
Cause formelle (définition) |
Art du gouvernement de plusieurs (citoyens gouvernants / gouvernés) |
Art de l'administration d'1 seul (1 maître d’1 foyer = 1 citoyen) |
Cause efficiente (principe) |
Loi (égalité) |
Autorité (hiérarchie/tradition) |
Cause finale (fct.) |
Bonheur («bien-vivre», vie heureuse) |
Bonheur («bien-vivre») |
arrêtons-nous sur la forme la plus célèbre qu'a revêtu ce débat à Athènes. Selon Xénophon, à tous les grecs assemblés qui lui demandaient pourquoi il avait choisi pour épouse Xanthippe, "la femme réputée la plus difficile des temps passé, présent et futur", Socrate répondit : "Si je peux l'éduquer, voire seulement la dompter, alors je pourrais administrer tous les hommes" !
L’histoire illustre l'opposition — sous-jacente aux Economiques, entre le point de vue de Socrate (et donc de Platon) et celui d'Aristote. Socrate pense que l'éducation découle de son Idée ou concept, si bien que ce qui vaudrait pour le cas le plus difficile vaudrait a fortiori pour tous les autres, et quelle que soit la cité. Aristote, au contraire, pense que l'éducation est l'affaire du législateur qui, dans telle cité, fixe la nécessité du rapport éducatif en fonction des circonstances ou de la réalité de la cité. La perspective de Socrate a donné lieu à l'utopie communiste de la République de Platon. La perspective de la Politique d'Aristote permet en revanche de discuter la question de savoir si l'Economie diffère ou s'accorde au sens que nous prêtons aujourd'hui à ce mot (avec les notions modernes d'Etat et de société, de justice et de droit, de nature, d'histoire et de liberté qui s'y attachent désormais). Elle semble différer au sens où, pour nous, l'Economie porterait davantage sur les biens (économie marchande) que sur les personnes, tandis que chez Aristote cela paraît être dans le rapport inverse (économie domestique). Mais elle semble s'accorder au sens ou l'idéal de bonheur visé semble n'avoir jamais été aussi fort, malgré les promesses du progrès, et dans un environnement devenu plus complexe. Qu'en pensez-vous ?
La « théorie des 4 causes » appliquée à la cité au début du § 3.
C’est elle qui assure la transition entre les 2 questions précédentes. Son importance dépasse le cadre strict des Economiques, mais néanmoins sa place stratégique rend incontournable l’analyse. Aristote l’a créée pour 2 raisons : pour déterminer le concept d’un être et expliquer son mouvement.
Cause matérielle : « une certaine quantité de maisons, de terres et de biens, suffisants ». I. e. les conditions matérielles de l’autarcie (= l’indépendance économique).
Cause formelle : « la communauté ». Cf. ci-après.
Cause motrice ou efficiente : « les hommes s’associent ». L’association la plus naturelle étant celle de l’homme et de la femme qui forme la communauté du couple. Et la moins naturelle (mais première selon la raison pour permettre la réalisation de l’homme libre) étant l’association ou la communauté politique.
Cause finale : « la vie heureuse ». L’idée du Bien de Platon, redescendue sur terre et placée sous l’impératif éthique de l’action vertueuse. Le bonheur dépend de la juste pratique.
La réalisation de soi et l’accomplissement des possibilités humaines sont donc liés à l’accomplissement de la famille et de la cité placées sous le signe de la raison.
Chapitre 2 : ‘Les parties de la famille : l’homme et les biens’
Ce chapitre distingue l’objet de l’Economie, « la société domestique », par ses composantes [et permet de bien différencier la famille d’alors de celle d’aujourd’hui]. Il aborde plusieurs notions du programme de S (Politique : droit ; Culture : travail et technique ; Morale : liberté et bonheur) et pour le programme de STI (Liberté : bonheur ; Culture vs. Nature : technique).
Question 1. Quelle analyse est ici faite de la famille ?
Commentaire § 1
5.1. Ce chapitre concerne l'analyse ou la division de la famille en deux catégories : les hommes [homme et femme] d'un côté, les biens ou la propriété proprement dite de l'autre. Aristote y rappelle une partie essentielle de sa méthode qui, de
Descartes à aujourd'hui sera inlassablement reprise dans toute étude de nature scientifique : diviser les difficultés pour mieux les résoudre. Il fonde cette division sur une citation d'Hésiode in 'Les travaux et les jours' — oeuvre dont l'autorité ou la sagesse pour ce qui concerne la vie grecque était alors incontestable : "Une maison en premier, puis une femme [et un boeuf de labour]."
Commentaire §§ 2 et 3 : (cf. cours)
Question 2. Quel(s) lien(s) peut-on établir ici entre Nature, Technique, Travail et Liberté ?
C'est ainsi l'analyse des biens eux-mêmes qui fait plutôt l'objet du présent chapitre. Leur possession, i. e. leur propriété conditionne, en effet, toute la vie familiale, tout comme le soin de la terre, "notre mère commune", conditionne la satisfaction des besoins élémentaires. Or, qui dit "biens", dit propriété. Mais quand nous parlons de propriété aujourd'hui nous pensons au Droit. Aristote pense, lui, et "droit de propriété" et "ce qui est propre à l'homme" : c’est-à- dire ce qui est de nature à lui permettre de s'accomplir comme tel.
déshumanisantes du travail et de la technique.
Chapitre 3 : Rôles respectifs de la femme et de l’homme dans la société domestique
§ 1. Question : Pourquoi la femme appartient-elle à la catégorie Homme au même titre que l’homme lui- même ? Réponse du texte : « car la communauté de vie [de l’homme et de la femme] est la plus naturelle de toutes » et concourt à la reproduction de l’Homme : de la femme autant que de l’homme et de l’individu autant que de l’espèce. Dans ce §, il faut bien noter la hiérarchie des termes : selon la raison, c’est l’Homme en tant que catégorie qui désigne également et l’homme et la femme, tandis que selon la nature c’est la distinction entre le mâle et la femelle qui est première. Les raisons en sont exposées au second §.
§ 2. Trois questions structurent ce long paragraphe :
Q1. Qu’est ce qui fonde la relation homme-femme ? Chez l’homme, c’est la raison (médiatisée par le langage, la parole), tandis que chez l’animal, c’est par instinct que se règlent les rapports entre mâle et femelle. Dans le texte, cette hiérarchie procède d’une progression continue (naturelle) : a. animal, b. animal domestique, c. homme. Par quels arguments Aristote en caractérise-t-il les différences ? Relevez les. Du plus simple au plus complexe : depuis l’acte instinctif de la procréation jusqu’à l’action vertueuse (secondée par la raison), qui vise à réaliser le bonheur.
Q2. Quel est le but de cette relation h-f ? Le bonheur en est la fin unique, selon la raison. Mais, selon la nature, elle a un double but : a. la reproduction de l’homme en tant qu’individu, et b. sa sauvegarde en tant qu’espèce.
-Le sexe faible par opposition au fort.
conséquent le bonheur de l’homme et de la cité. Mais ces distinctions renvoient aussi au lointain passé « naturel » de l’homme (i. e. bien au-delà d’Hésiode toujours cité par Aristote) et sur lequel il faut bien réfléchir : une excellente piste est, à cet égard, le livre de M. Leroy-Gouran, Le geste et la parole, qui tente d’expliquer l’émergence et la fusion des rôles dès la préhistoire.
Il répond principalement à 2 questions : celle des devoirs au sein de la « communauté la plus naturelle » et celle, encore une fois, des conditions de la vie heureuse, mais cette fois en ce qui concerne le couple promu à une unité supérieure à celle de l’individu (non plus l’analyse du couple).
§ 1. 4 Règles principales :
-
Règle universelle : la justice réciproque entre époux. Mais une justice dont on peut se demander à la lecture de tout le texte, si elle ne relève pas de registres différents pour l’homme (chez qui Aristote semble en appeler à la raison) et pour la femme (chez qui c’est plutôt par nature qu’elle devrait être « vierge » au moment du mariage : mais sans autre indication, il est difficile d’aller plus loin que pour le § 2). On remarquera que pour fonder l’universalité de cette « règle », Aristote s’appuie là sur une référence à l’école pythagoricienne, selon laquelle tout est fondé sur le nombre et donc ici sur le principe d’égalité, mais avec une nuance morale d’importance : ce qui est vrai pour l’un doit être vrai pour l’autre (à bien réfléchir et argumenter).
-
Règle ‘au dehors’ : l’interdit de relations illicites (principalement l’adultère).
-
Règle ‘au dedans’ : l’abstinence qui doit résulter de relations aussi nécessaires (pour la procréation) qu’exlusives (par fidélité).
-
Règle d’amour : liberté et droiture doivent régner également dans l’intimité de l’homme et de la femme (« sans affectation », « sans masque », bref : sans théâtre). Thème à rapprocher de la Politique et mettre au nombre des conditions pour faire le bonheur et réussir ses enfants.
§ 2. Problème relatif à la recommandation d’Hésiode. Forger un caractère propre à l’amour implique, a priori selon Aristote, une relation ouverte : c’est pourquoi il serait préférable « d’épouser une vierge ». Mais ce caractère s’applique-t-il au couple ou bien à l’un de ses termes seulement ? Quid de l’homme : nous ne l’apprendrons pas ici. Il est certain que ce passage est de nature à choquer, ou du moins à nous interroger aujourd’hui
Chapitre 5 : ‘Relations Maître Esclaves.’
§1. Première source d’étonnement pour nous qui n’avons plus d’esclaves :
-
Ils sont rangés, parmi les biens de la société domestique, donc à titre d’objets (cf. Note)
-
mais aussi, paradoxalement, sous la catégorie 1ère de cette même société : l’homme.
Ce paradoxe est la clé du paragraphe central de ce chapitre : le § 5. On peut le formuler ainsi :
comment, à une époque ou l’esclavage résulte d’une tradition ancestrale et ne pose donc pas de problème moral, Aristote peut-il formuler l’hypothèse que l’homme est néanmoins premier “dans” l’esclave ? Réponse : on est homme « par essence », tandis que ce n’est que « par accident » que l’on devient esclave (3 sortes alors : par nature de « brute », par la guerre en étant fait prisonnier, enfin en se constituant soi- même prisonnier pour régler une dette à l’égard d’un autre « homme libre”).
§ 2. On retrouve, dans la 1ère phrase, la théorie de la vertu, “médiété” ou moyenne entre deux extrêmes, appliquée non plus à soi-même mais à la relation. Les 2 extrêmes qu’Aristote nous invite à considérer ici sont, par les termes de la relation, l’insolence et la violence :
-
l’insolence de l’esclave, car en contestant son maître, non seulement l’esclave ne fait pas son travail
mais il conteste le principe de la société domestique : c’est le maître qui détermine les fins, à travers
l’orientation générale et les ordres qu’il donne à toute la maisonnée.
-
la violence du maître, car en usant de celle-ci le maître détruit et l’outil de production et la fin qui est
le bonheur de la maisonnée.
Aristote hiérarchise ensuite les types d’attention à porter à ses esclaves. Premier type : “avoir des égards” pour ceux dont les activités relèvent davantage de l’esprit (comme par exemple du “Pédagogue” dont la fonction est de conduire les enfants à l’école). Deuxième type : “pourvoir en nourriture pour ceux dont les activités relèvent davantage du corps (en bref, tous les autres qui ont une activité mécanique, par nature impropre au développement harmonieux de l’esprit). Troisième type : quant au vin réserver strictement son usage pour les fêtes : pour libérer la partie (“le bien”)... à défaut du tout (“l’homme libre”). Réfléchir ici à la raison des fêtes : système de compensation qu’Aristote semble vouloir réserver à ceux qui en ont réellement besoin, i. e. permettant aux esclaves de supporter, en la sublimant, la privation des valeurs qui caractérisent l’homme libre. Qu’est-ce qu’une fête ?).
b. le châtiment résulte de la surveillance du maître ayant pour fin de le proportionner à la conduite de l’esclave. Pour commander ses esclaves il est donc recommandé d’obéir à certains principes : tout comme le médecin qui prend soin de ses patients, prendre soin de ses esclaves c’est prendre soin du corps de la société domestique. Mais l’esclave doit-il être considéré comme une médecine permanente eu égard à l’homme libre qui est le maître, dans la mesure où il preserve celui-ci des travaux mécaniques qui de Platon à Aristote signifient tant la ruine du corps que de l’homme.
§ 4. Même chose qu’en 2 : théorie de la vertu. Mais tordue par le fait que ce n’est plus l’homme qui est en vue mais l’esclave (...).
§ 5. Le problème de la liberté : même un esclave ne peut être « sans fin » ou tout à fait privé de « fin ». Pourquoi ? Parce que derrière l’esclave se cache l’homme. Du moins est-ce cela qu’Aristote à en vue. Or l’homme a pour fin la liberté à travers celle de sa communauté : seul le bonheur au sens politique, et non subjectif, est complet pour les Grecs.
Que signifie alors la liberté ?
-
L’accomplissement de soi au sein de ma communauté d’appartenance : c’est-à-dire en tant que citoyen, homme libre reconnu de tous par ses actes au service de la communauté.
-
2. L’indépendance par rapport à tout principe extérieur — idéal d’autarcie — en accord permanent avec ma nature d’animal politique.
Pb. : que se passe-t-il si l’on est privé et de l’une et de l’autre de ces détermination ? C’est là le problème que posent l’esclave et l’esclavage, formes d’existence qui ne relèvent plus de la nature, mais de l’histoire.
Chapitre 6 : ‘L’administration des biens.’
Notions. La culture : le travail et la technique.
Dans le chapitre 5, Aristote a conduit notre réflexion de la sphère économique à la sphère politique partant de ces deux questions : quelle est la nécessité des rapports entre le maître et ses esclaves et quelles sont les vertus du « bon esclave » ? Dans ce chapitre, le parcours se fait en sens inverse : de la sphère politique au sens large (les cités grecques ou perses évoquées aux §§ 2 et 3) à la sphère économique au sens strict de l’administration des biens (retour logique à l’objet principal du livre). Les questions relatives aux relations et aux vertus se concentrent pour terminer sur le maître de la société domestique, responsable de cette administration.
§1. Les qualités du maître ne sont-elles pas les mêmes que celle de l’Etat dans l’administration de la cité ? Quant aux moyens : « acquérir et conserver ». Quant aux fins : « exploiter et utiliser ». A expliciter par des exemples précis.
§2. Comme pour l’administration de la cité, le maître ne mettra pas tous ses œufs dans le même panier : mesure, prudence et prévoyance. La comparaison avec la cité s’arrête sur le point de la conservation des biens : à la différence de la cité qui doit fonder des réserves, la société domestique privilégiera la circulation et l’échange des biens périssables, de manière à limiter les risques de perte.
Sur l’économie des biens. L’exemple du bienfait de l'agriculture sur le corps et l'esprit et le problème du travail : à l'accord avec la nature correspond la santé psychique et le bien-être naturel dans les rapports sociaux (naturel : c'est-à-dire non encore altéré par l'intérêt généré par l'argent, par "la chrématistique") ; néanmoins Aristote pense que seul le loisir importe pour l’homme libre dans la cité : le citoyen comme tel.
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ANNEXE
§1. Origine de l'économie. Le terme économique vient du grec oïkos (maison) et nomos (loi, règle, administration) ; soit l'art de bien administrer la maison, d'en gérer les biens et, par extension, les biens d’une d'une Cité. La pensée économique ne prend son véritable essor qu'à partir de l'Antiquité grecque, quand les écrits permettent de la transmettre autant que de la discuter. Ainsi, dès le -Vème siècle, les sophistes qui professent dans toutes les cités grecques commencent-ils à discuter la réduction du rôle de l'Etat et la libéralisation des échanges avec l'extérieur. Leurs idées sont combattues par Socrate (770-399 av. J-C.) puis Platon (428-347 av. J-C.). Avec Xénophon (430-355 av. J-C.) les questions économiques se radicalisent encore, comme en attestent ses ouvrages "L'économique" et "Les revenus" dont l'objet est de rechercher "comment accroître la richesse". Mais la réflexion la plus vaste et la plus profonde est dûe à Aristote (384-322 av. J-C.). Elle est exposée dans "La politique", "L'éthique à Nicomaque" et "Les économiques". Trois oeuvres qui manquent rarement d’étonner notre vision contemporaine de l'économie (cf. § 2). Aristote la distingue d'abord de la politique qui relève du gouvernement de la Cité par plusieurs citoyens (et non du seul Maître) ; ensuite de l'art d'acquérir la richesse, la chrématistique, considérant que l'accumulation de l'argent pour l'argent est une activité contre nature qui déshumanise et ceux qui s'y livrent et ceux qui la subissent. Certes, la pensée d'Aristote est étroitement liée à la société dans laquelle il vit. Mais ses réflexions sur l'esclavage, sur le commerce, sur le prêt à intérêt, sur la détermination du rapport d'échange entre les biens, sur le rôle de la monnaie marqueront de façon décisive toute l'histoire de l'économie occidentale en les rapportant toujours à leur finalité : le bien-vivre... par opposition au simplement vivre.
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- à étudier comment la société produit ses richesses et les répartit,
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- à expliquer ses dysfonctionnements pour améliorer ses dispositifs techniques et législatifs.Le gouvernement dispose alors des résultats de ces études pour réguler l'activité économique suivant sa politique. Cependant, comme ces études se contredisent souvent d'un modèle économique à l'autre, leur relativité les ferait sans doute encore renvoyer par Aristote du côté de l'art plutôt que de la science dont elles se réclament (songez que vous entrerez peut-être demain à Sciences-Po, Eco...).
L'économie moderne est toujours intimement liée à des philosophies politiques.
En voici deux exemples :1. l'Union Européenne a été créée à la fois pour régler le problème des guerres qui l’ont déchirée etpour favoriser la coopération entre états européens,2. l'impact général des activités économiques sur les ressources naturelles et donc sur l'équilibre de laplanète a promu l’idée du développement dit "durable".Ces exemples impliquent tous deux le cosmopolitisme forgé par les Stoïciens.Mais sur le fond, dans le cadre de la mondialisation des échanges, en privilégiant :
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- la performance (technique et financière) sur la nécessité des biens (on se demandera
utilement par exemple si tous les "produits" sont aujourd’hui vraiment des «Biens»),
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- le travail sur le loisir (voir la déconsidération actuelle de « ceux qui ont du temps »),
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- la productivité sur la qualité de la vie (cf. le stress, le recours au dopage généralisé),
L’économie moderne ne tend-elle pas à masquer la vie bienheureuse derrière profit et fascination ?Second paradoxe : maintenant que, selon le rêve d’Aristote « les navettes du métier à tisser marchent toutes seules » (et remplacent les esclaves), comment s’expliquer que les loisirs — qui forment selon lui la condition sine qua non du développement de la pensée (philosophie et sciences) et donc de l’homme — soient aujourd’hui encore dévalorisés face à la valeur travail ?© Pierre Rostaing
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